Anaëlle, en agitant son parapluie, marmonnait.
– Nom d’un crabe, Gwenaëlle ! Avait-on besoin d’aller au marché aujourd’hui ? Il n’y aura personne !
Maëlle, regardant à travers les carreaux embués de la guimbarde et serrant son sac à main, renchérit.
– C’est bien vrai ! Je serais mieux au coin du feu à finir de tricoter les chaussettes pour mon Fanch plutôt que de faire du patin à glace !
– Ma Doué! Voilà pas Jonas qui essaie de faire du ski avec les bâtons de son petit-fils ? On aura tout vu !
Sur la place du village, les enfants s’étaient transformés en petits lutins givrés. Ils se lançaient des boules de neige avec une ferveur digne des grands tournois de lutte bretonne. Le bonhomme de neige, baptisé “Yann le Glaçon”, avait fière allure avec sa carotte en guise de nez.
Les cheminées des maisons fumaient comme des pipeaux de vieux loup de mer. Le phare, d’habitude si stoïque, clignotait frénétiquement comme s’il avait trop bu de cidre.
Jonas le pêcheur, en essayant de se relever après une chute spectaculaire, se mit à jurer dans sa barbe.
– Gast ar c’hast ! j’aurais mieux fait de rester à la maison à ramender mes filets !
Mais à peine les trois filles furent-elles arrivées sur le parking de l’église que les températures se radoucirent pendant que trois camelots discutaient du temps qui est détraqué en sirotant leurs cafés chauds, Bientôt, la neige disparut, dévorée par le sel des embruns et les bonhommes de neige fondirent de désespoir.
Une heure plus tard, Gwenaelle, son panier empli de poireaux, lança un air goguenard à ses deux amies, sur le chemin du retour.
– La neige, c’est comme un baiser volé : ça surprend un instant et puis ça s’en va.
Les Bigoudènes reprirent leur route, laissant la mer reprendre son habit d’écume.